Le dignitaire chiite a présenté une feuille de route pour faire face à la menace takfiriste, invitant le Liban officiel à prendre son destin en main et à définir une stratégie nationale. Il a en outre appelé les Libanais à se départir de leur projet « chimérique » d’une distanciation par rapport à ce qui se passe dans la région et à le rejoindre dans sa guerre en Syrie et en Irak.
Le leader du Hezbollah a entamé son discours par une condamnation de la décapitation de 21 chrétiens coptes égyptiens en Libye, revendiquée par le groupe État islamique (EI).
Hassan Nasrallah, qui s’exprimait à l’occasion de la commémoration « des cadres martyrs » du parti, a saisi l’occasion pour exprimer sa sympathie à la famille de Rafic Hariri pour les dix ans de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, qualifiant l’attentat du 14 février 2005 de « véritable séisme qui a secoué la région ».
Le thème du takfirisme et de la menace que représente l’EI et le front al-Nosra lui a servi de ligne conductrice qui l’amènera d’emblée à appeler le Liban officiel à l’adoption d’« une stratégie nationale de défense pour lutter contre le terrorisme ».
Le leader chiite a abordé rapidement les dossiers internes, évoquant le plan de sécurité inauguré dans la Békaa qui, a-t-il dit, devrait être accompagné d’un plan de développement et surtout faire l’objet d’un suivi assidu.
Il a par ailleurs invité les différentes parties libanaises à suivre l’exemple de l’entente entre le parti chiite et le Courant patriotique libre. « Nous appelons à renforcer cette relation et à contracter des ententes similaires sur le plan national », a-t-il dit.
Sur l’élection présidentielle, Hassan Nasrallah a appelé à « relancer les efforts internes » dans le but de mettre fin à la vacance à la magistrature suprême, et à ne pas « attendre en vain les développements dans la région ». Dans ce contexte, le chef du Hezbollah a invité certains pays du Golfe à « lever leur veto et à permettre l’élection d’un président ». Le chef du parti chiite a enfin assuré que le dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur se poursuivra. Selon lui, ce dialogue « a déjà abouti à des résultats positifs dans la limite des attentes ».
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La menace takfiriste
Évoquant la présence des groupes jihadistes aux frontières avec la Syrie, Hassan Nasrallah a invité l’État libanais « à trancher » cette question. « Nous pouvons facilement les vaincre. Cela requiert toutefois une décision nationale », a-t-il dit.
Sur un ton ironique, le chef du Hezbollah a critiqué tous ceux qui continuent de croire que le Liban « est un morceau de paradis ». « Le Liban n’est pas isolé et ne peut être distancié des crises qui secouent cette région », a-t-il affirmé. Il « est aujourd’hui plus que jamais affecté par ce qui se passe » autour de lui, a-t-il martelé. « Paradoxalement, a poursuivi Hassan Nasrallah, ceux qui défendent cette logique sont eux-mêmes en train de s’ingérer dans les affaires de la région ».
« Celui qui veut décider du sort du Liban doit être présent dans la région. Le destin du monde entier est en train de se décider au niveau de la région », a-t-il insisté dans une réponse claire à Saad Hariri qui avait affirmé, samedi, que « le Liban ne fait pas partie de l’axe irano-syrien et ne servira jamais de carte politique ».
Revenant sur ses récentes critiques du régime bahreïni, Hassan Nasrallah a lancé : « Celui qui a politiquement et militairement interféré en Syrie n’a pas le droit de critiquer notre avis politique et pacifique concernant la révolte au Bahreïn. »
Il est revenu à la charge, qualifiant le régime Bahreïni de « sourd et aveugle », doté d’un gouvernement qui, selon lui, « a peur des revendications légitimes ».
Pour le chef du Hezbollah, la plus grande menace à laquelle la région fait face est celle des courants takfiristes, notamment le groupe État islamique. Ce dernier ne cible pas uniquement certains gouvernements, ou les minorités, mais « tous les régimes confondus, toutes les armées du monde ».
« Israël est le seul pays à ne pas considérer l’EI et le Front al-Nosra comme une menace, a lancé le chef du Hezbollah. Tout ce qui sert l’hégémonie israélienne et américaine dans la région, Daech le fait. » Il a ainsi pointé du doigt les services de renseignements israéliens, américains et britanniques.
« Outre l’Irak et la Syrie, le danger de l’EI n’épargne plus aucun pays de la région », a poursuivi le leader chiite.
« Face à cette énorme menace terroriste, nous appelons tous les peuples et pays arabes à l’unité, a-t-il déclaré. Nous sommes capables de détruire l’EI et ceux qui le soutiennent. » Selon lui, « il faut considérer toute bataille idéologique, politique, militaire et médiatique contre le terrorisme comme visant à défendre le véritable islam, et non une communauté particulière ». « Nous faisons partie de ce combat », a-t-il asséné, appelant les musulmans à se mobiliser contre l’EI.
Le chef du Hezbollah a en outre estimé que les pays de la région devraient mettre en garde les États qui continuent de soutenir l’EI.
(Pour mémoire : Offensive de l’armée syrienne et du Hezbollah dans le sud du pays)
« Accompagnez-nous en Syrie »
Dans le même contexte, le leader chiite a estimé que Daech et le front al-Nosra sont les deux faces d’une même médaille. « On ne peut pas combattre l’une et soutenir l’autre », a-t-il dit. Et de lancer : « Le gouvernement jordanien et les pays du Golfe ne peuvent combattre Daech en Irak et soutenir al-Nosra en Syrie. »
Hassan Nasrallah a dans ce cadre appelé « certains pays arabes à avoir une approche différente des dossiers régionaux, notamment à l’égard de l’Irak », les invitant à cesser d’attiser la fibre communautaire, car, a-t-il dit, « ce sont vos trônes que les Irakiens sont en train de défendre ».
Il a invité les peuples de la région à ne pas compter sur une stratégie internationale, encore moins sur l’Otan. « Nous devons prendre l’initiative et empêcher que le courant takfiriste se répande », a-t-il préconisé.
Évoquant enfin le conflit syrien, Hassan Nasrallah a lancé une deuxième pique à Saad Hariri qui avait critiqué samedi le parti chiite et son intervention militaire en Syrie, l’appelant à mettre fin à son implication dans le conflit. « J’invite ceux qui nous appellent à nous retirer de Syrie à nous accompagner en Syrie et dans tout endroit pour combattre la menace terroriste, a déclaré le leader du Hezbollah. Nous n’avons pas parlé de l’Irak auparavant mais nous avons une présence limitée depuis que ce pays traverse une phase sensible », a-t-il ajouté, révélant pour la première fois que le parti chiite combattait également en Irak contre les jihadistes.
Le chef du Hezbollah a enfin appelé à une coopération entre les gouvernements libanais et syrien et entre les armées libanaise et syrienne dans les dossiers sécuritaire et humanitaire. Hassan Nasrallah a tenu à ce propos à rassurer « ceux qui ont peur d’un éventuel compromis en Syrie », affirmant que « l’époque de la tutelle syrienne au Liban est révolue ».
Source: l’orient le jour