Uriner debout ou assis? Les réponses

Comme le disait Pierre Desproges, “tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine par le chêne ou le sapin”. Et, entre ces deux extrémités de l’existence s’insère, pour la moitié masculine de l’humanité, un autre dilemme : faut-il faire pipi debout ou assis ? Lesquels préservent le plus leur santé, ceux qui, très majoritaires en Occident, restent droits dans leurs bottes ou ceux qui, comme on le constate plus couramment en Asie, s’asseyent voire s’accroupissent pour uriner ?

En remontant dans les annales de la science, on s’aperçoit que la question n’est ni loufoque ni nouvelle. Ainsi, en 1883, le médecin militaire britannique Raglan Barnes, en poste aux Indes, se l’était posée en écrivant à ce sujet un articulet publié par le fort sérieux British Medical Journal. Ayant constaté, en fréquentant les dispensaires et les hôpitaux civils, un nombre important de calculs urinaires dans la population indigène, il avait émis l’hypothèse qu’en plus de trouver leur origine dans le régime alimentaire, ces pépins de santé pouvaient être favorisés par l’habitude qu’avaient les Indiens d’uriner à croupetons. Dans son texte, Raglan Barnes imagine que, pour l’homme, la position accroupie “paralyse l’action de l’organe musclé (la vessie, NDLR) qu’il veut vider”. Le résultat selon lui ? Une urine qui reste en plus grande quantité dans la vessie et favorise la formation de calculs. Le médecin militaire ajoute d’ailleurs que quand on est un homme, un vrai, on fait preuve de droiture, dans la morale et dans la miction, et que la civilisation et le colonisateur sauront inciter, je cite, “notre frère aryen” à sortir de son erreur.

Beaucoup plus près de nous, puisque leur travail est paru le 22 juillet dans la revue PLoS ONE, des urologues de l’université de Leyde (Pays-Bas) se sont de nouveau posé la question du docteur Barnes. Pour y répondre, ils ont passé la littérature scientifique au peigne fin et trouvé 11 études comparant les résultats des deux positions sur un échantillon total de huit cents hommes. Tous ces articles avaient en commun de fournir des chiffres sur la durée et le débit de la miction, tout en mesurant le liquide demeurant dans la vessie une fois la braguette remontée. En faisant l’analyse de toutes ces données, les chercheurs néerlandais se sont aperçus que, dans le cas des participants en bonne santé, la position n’avait aucune influence sur les résultats. En revanche, les choses étaient un peu différentes pour les hommes souffrant de prostatisme.

Derrière ce nom se cachent une série de symptômes, de troubles de la miction, dus à l’hypertrophie bénigne de la prostate. Lorsque cette glande qui entoure l’urètre se met à grossir, ce qui est courant avec l’âge, l’écoulement de l’urine se ralentit et peut même devenir difficile, ce qui entraîne de fréquents passages aux toilettes où ne sont évacués à chaque fois que de petits volumes. Selon l’étude de PLoS ONE, les hommes victimes de prostatisme tirent un léger bénéfice à uriner assis, peut-être parce que la position nécessite, notamment chez des personnes âgées, moins de crispation musculaire pour le maintien de l’équilibre : le débit de la vidange et la quantité d’urine excrétée sont accrus (ce qui va à rebours des suppositions de feu Mr Barnes). Les auteurs de l’article parlent, avec des termes choisis, d'”une tendance vers un profil urodynamique plus favorable”, ce qui dit à quel point les améliorations notées sont faibles. Ils concluent d’ailleurs en expliquant que le débat debout-assis ne peut être tranché sur la seule foi des critères “urodynamiques”.

Il est en revanche un domaine où la miction debout présente un désavantage incontestable, c’est celui de la propreté des lieux d’aisance. Tous ceux qui ont, dans nos contrées, fréquenté un jour des toilettes pour hommes se sont demandé comment les énergumènes qui les avaient précédés avaient bien pu réaliser cette reconstitution miniature du Parc national de Yellowstone après le déclenchement des geysers. Au moins deux techniques permettent cette porcherie cet exploit : tenter – avec ses deux mains accrochées à son téléphone portable – un grand pont sur Lionel Messi à FIFA 14 tout en laissant la nature s’exprimer librement un étage plus bas, ou bien essayer de viser la cuvette des toilettes depuis le fond des WC en faisant un saut carpé. Diable, encore un choix…

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