Google Glass

Source: Le Nouvel Observateur
Où il apparaît que les Google Glass menacent directement les nanars chers à François.
Help ! Nous sommes tous piratés, pirateurs, piratouillés, piratophiles ! Désormais, tout est cinéma. Je suis filmé dans la rue en train de poinçonner mon ticket de bus par les caméras de la RATP. Je suis enregistré par l’objectif de ma banque, où je vais supplier qu’on m’accorde un découvert. Je suis espionné par mon ordinateur, qui me truffe de cookies (la nouvelle version de Safari les conserve) et me filme à mon insu. Tout cela n’est pas grave. Mais je signale qu’on a mis la main sur un gars à Columbus, Ohio (783 033 âmes) en train de pirater un film avec ses Google Glass (on devrait dire Google Glasses, mais bon). Là, c’est grave. Qu’on filme monsieur Dupalonnier en train de cirer ses chaussures à Saint-Martin de Tapenouille, passe encore. Mais qu’on pirate “The Ryan Initiative”, nanar trois étoiles de Kenneth Branagh, alors là ! Rien ne va plus ! Pirater “La Guerre des Etoiles”, je comprends. Mais pirater un truc où Jack Ryan saute d’un hélico en flammes, culbute une infirmière gironde, flingue un mastodonte black, casse les tasses à café dans son hôtel russe, démonte le plan machiavélique de millionnaires ex-soviétiques (des abrutis, au demeurant) et provoque le flingage de Kenneth Branagh (vu la qualité du film, on le comprend), c’est trop ! Coupable de piratage de nanar, le gars de Columbus a été emmené séance tenante par la Homeland Security, pour être interrogé sévèrement, dans un sous-sol humide, et menacé d’avoir les ongles arrachés et d’être passé à l’électricité. Or, on le sait, là où il y a de la gégène, il n’y a pas de plaisir.
L’événement est grave, l’heure aussi. Je vois dans cet incident une attaque injustifiée contre les nanars, qui sont pourtant l’épine dorsale de notre système cinématographique. C’est la liberté d’être con qui est en jeu. Déjà, la presse italienne se moque de quatre nanars en projet, dont “Maciste contro lo zombis”, film que j’ai évidemment beaucoup plus envie de voir que “Les Nuits de la pleine lune” (je signale qu’on vient de publier un gros livre sur Eric Rohmer, aussi soporifique que ses films). Le nanar deviendrait-il hors la loi ? Bientôt, on devra se rencontrer au coin des rues pour échanger des DVD de “Barbarella” ou de “La Soupe aux choux”, en murmurant un mot de passe dans le col de son Burberry. Les RG, la CIA, la NSA, le KGB et la Savak vont se lancer sur la piste des nanardeurs. Faudra les regarder dans des caves sécurisées, quelque part entre Montmartre et la banlieue proche. J’alerte. Nanardeurs de tous pays, unissez-vous !
Mais il y a pire – ou mieux. permettent désormais de filmer ses propres ébats amoureux, puis de les mettre en ligne pendant cinq heures grâce au système cloud. Bon, déjà, faire la pirogue congolaise avec des lunettes, je vous dis pas le péril. C’est plus risqué que la charge de Lord Cardigan à la bataille de la Balaklava. Ensuite, le machin réagit à la parole. On dit : “Lis mes e-mails”, et les Google Glass vous lisent vos e-mails. Donc, en plein schboum, il suffira de dire : “Oui, ma chérie” pour que le bazar se mettre à dicter : “Chérie : célèbre marque de cerise au marasquin fondée par Jules Bouladaire en 1917. C’est en voyant le nez du général Nivelle que… “Vous imaginez l’effet sur la libido. Catastrophique. De plus, le moindre quidam va désormais mettre en ligne ses prouesses érotiques. J’avoue que l’idée ne me tente guère de contempler ma bignole, madame Cornavin, en train de faire la double-barcarolle cambrée en porte-jarretelles avec monsieur Cornavin (qui a été amputé de ses deux gros orteils suite à une engelure pendant un camp scout)…
Bref, amis cinéphiles, voici deux combats à mener. Libérez les nanars ! Interdisez le filmage des lubricités de madame Cornavin ! Le piratage par Google Glass interposé est insupportable, et, malheureusement, à la portée de tout le monde. Il faut laisser ça aux mains des spécialistes.

شاهد أيضاً

في رثاء الحاج طلال شرارة (أبو علي)

قم أيها الحبيب! رد هذا التراب عن وجهك وحدثنا فنحن لم نودعك كما الزوجة والأبناء …