Depuis plusieurs jours, les habitants des régions du Sud-Liban, du Metn et de la Békaa ont pu constater une augmentation du rationnement électrique, déjà limité à quelques heures en temps normal. « Il n’y a aucun problème technique dans les centrales, assure une source à Électricité du Liban (EDL), tous les travaux de réparation et de maintenance ont été effectués en prévision de la saison estivale. » Et pourtant, des unités de production à Tyr, à Baalbeck et à Jiyé ont bel et bien été arrêtées, confie la source à L’Orient-Le Jour. La raison ? « Le fuel-oil et le gas-oil qui nourrissent nos centrales électriques coûtent beaucoup trop chers et les transferts de l’État ne suffisent plus à payer les carburants nécessaires », explique la source. Selon elle, la demande électrique actuelle dans le pays varie entre 2 800 et 2 900 mégawatts (MW), contre une production d’environ 1 500 MW. « La demande augmente tous les étés, et avec l’afflux de plus d’un million de réfugiés syriens, elle a naturellement explosé et le problème risque de s’aggraver », avertit-elle.
Une source bien informée au ministère des Finances réfute les accusations d’EDL et assure que le ministère a, jusqu’à nouvel ordre, payé toutes les factures soumises par EDL, au gré de l’arrivée des bateaux de carburant. Rappelons que les transferts à EDL augmentent tous les ans et correspondent à la deuxième plus grande dépense de l’État (3 056 milliards de livres pour l’année 2013, soit pratiquement le double de ce qu’ils étaient en 2010).
Cette situation ne fait qu’aggraver l’état des finances publiques, qui souffrent déjà d’un service de la dette pesant à hauteur de près du tiers du budget. Le porte-monnaie des citoyens s’en voit également affecté. En plus des 700 millions de dollars qu’ils déboursent chaque année à EDL, les Libanais règlent quelque 1,7 milliard de dollars aux propriétaires de générateurs électriques.
Pas de solutions miracle en vue
Ce sont deux problèmes majeurs qui se posent donc dans le secteur de l’énergie : celui de l’insuffisance de la production électrique et celui de son coût. Concernant le premier, l’ancien ministre de l’Énergie et de l’Eau, Gebran Bassil, avait lancé en 2011 un plan d’urgence pour la production de 700 MW supplémentaires. Dans le cadre de ce plan, M. Bassil signait en janvier dernier avec la société Matelec un contrat d’une valeur de 37 millions de dollars pour la construction de six nouvelles centrales et la réhabilitation de cinq autres.
Où en sont aujourd’hui les avancées ? La production a-t-elle réellement augmenté ? De combien ? Contacté à plusieurs reprises par L’Orient-Le Jour, l’actuel ministre de l’Énergie et de l’Eau, Arthur Nazarian, n’a pas répondu à nos questions.
Cependant, à supposer que le problème de production était résolu, il ne réglerait en rien celui des coûts, qui augmenterait encore davantage l’hémorragie financière de l’État. Au cours du Forum sur l’avenir économique du Liban organisé par l’Union générale des Chambres de commerce arabes le 9 juin, M. Nazarian s’était exprimé sur le sujet, appelant à revoir à la hausse le prix de vente de l’électricité. « Au moment où les prix en vigueur ont été fixés, le baril du pétrole était d’environ 20 dollars, contre plus de 80 dollars aujourd’hui », avait-il dit. Selon lui, « les consommateurs sont prêts à payer un peu plus en contrepartie d’une diminution du rationnement ».
Enfin, un des points des plus importants pour l’avenir énergétique du Liban est sans doute celui du choix du ou des carburants à adopter pour remplacer progressivement le fuel-oil, trop cher et trop polluant. L’ancien ministre de l’Énergie, Alain Tabourian, est un grand défenseur du recours au charbon.
Ce carburant très bon marché est cependant un des plus grands pollueurs en matière d’émissions de CO2. Mais selon M. Tabourian, le Liban dispose d’une grande marge de manœuvre par rapport à d’autres pays : « Ses émissions de CO2 sont de 3,2 tonnes par habitant par an, alors que le Qatar est à 44 tonnes par habitant, les États Unis et l’Arabie saoudite à 17 tonnes par habitant, l’Allemagne et la Belgique à environ 9,5 tonnes par habitant. »
D’autres prônent le recours au gaz naturel, surtout après les découvertes offshore prometteuses en la matière. Mais là encore, nos centrales électriques sont-elles prêtes à fonctionner efficacement si le Liban importait ce carburant ? Quelles mesures le ministère de l’Énergie compte prendre pour régler la crise immédiate ? Et à plus long terme ?
Dans combien d’années peut-on espérer bénéficier de nos propres ressources en mer, si les deux décrets nécessaires à la poursuite des appels d’offres pour la première attribution de licences d’exploration pétrolière attendent d’être approuvés en Conseil des ministres depuis des mois ?
Autant d’interrogations dont il serait utile d’avoir des éléments de réponses du ministre de l’Énergie… Encore faut-il qu’il accepte d’y répondre. Dans tous les cas, une chose est sûre, ce n’est pas demain la veille que les Libanais pourront s’éclairer 24h/24… Mais ce n’est un scoop pour personne malheureusement.
L’orient le jour